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Mère et Fille 29

— Toi, ma chère ? Mais tu es assez vieille pour rester seule.

Elle tapota les bas de la corbeille en ajoutant :

— Tu me reprochais mes cinquante-huit ans, tout à l'heure, et tes as l'air d'oublier que tu en as trente-sept sonnés.

—Je ne l'oublie pas, dit Marie. Mais...

— Mais quoi ? demanda Mme Pélissand.

— Je pense seulement, répondit Marie, que tu m'as toujours empêchée de me marier, parce que tu ne voulais pas rester seule et, aujourd'hui, c’est toi qui vas me quitter.

Mme' Pélissand resta silencieuse, et Marie n'osait dire tout ce qui lui montait du cœur. Après un long silence, Mme Pélissand reprit :

— J'épouse M. Tardi. Tu sais bien, ce jeune homme, qui m’avait demandée en mariage quand il avait vingt ans, et que mes parents ont trouvé trop jeune.

Marie fit un signe de tête pour dire qu'elle se rappelait l'histoire que lui avait racontée sa mère.

— Eh bien ! continua Mme Pélissand, il s'était marié aussi de son côté, mais il n'avait pas cessé de m'aimer. Il est veuf depuis trois mois et il est venu me redemander en mariage il y a huit jours...

Elle ajouta après une pause :

— Il habite une grande ville du Midi, et j'irai vivre là-bas avec lui.

Marie releva la tête, qu'elle tenait un peu penchée, et elle dit gravement :