Page:Audoux - Le Chaland de la reine, 1910.pdf/26

Cette page n’a pas encore été corrigée

24 MARGUERITE AUDOUX

Comme si le feu les eût reconnus, il redoubla de violence à ce moment : des morceaux de bois tout en feu sautaient en l’air et venaient retomber sur les petits balcons du sixième étage ; les étincelles montaient en tourbillonnant avec insolence et s’éparpillaient sur les maisons voisines en pénétrant jusque dans les cheminées.

Pendant le silence angoissé qui suivit, on vit tout à coup apparaître les pompiers sur le toit de la maison. Ils s'espacèrent un peu et se campèrent solidement, les jambes écartées, puis ils saisirent leur lance à pleines mains el l'abaissèrent d'un geste sûr contre le feu. Il diminua aussitôt ses flammes et quelqu'un cria : « Ils le tiennent ! »

Toutes les voix se réunirent en une seule pour porter aux pompiers l'admiration de chacun, puis les mains se mirent à claquer avec une si grande violence que les rugissements du feu en furent étouffés, et peu après la foule commença de circuler comme dans les entr’actes de théâtre.

Francette, l'entretenue, fut bien entourée, comme la plus à plaindre : sa couverture glissait à chaque instant de ses épaules et les mouvements maladroits qu'elle faisait pour la retenir laissaient voir à tous qu'elle n'était vêtue que de sa chemise. Elle disparut dans un groupe du côté d'un grand café.

L'employée des postes relevait constamment son chignon qui glissait sur soit cou. L’artiste peintre