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22 MARGUERITE AUDOUX

À l'autre bout du couloir, Francette, l'entretenue, courait après sa chatte qu'elle ne voulait pas abandonner ; elle dérangeait les chaises avec bruit en appelant d'une petite voix : « Minet ! Minet ! Minet ! » Elle sortit enfin avec sa chatte dans ses bras, ses jambes nues dans des bottines jaunes, qu'elle n'avait pas pris le temps de boutonner, et sur ses épaules une couverture blanche qui trainait derrière elle comme un manteau de reine. Elle passa devant la couturière eu train de fermer sa porte à double tour comme pour empêcher le feu d'y entrer.

Il n'y avait plus que la petite tuberculeuse qui tournait sans bruit dans sa chambre. Elle n’avait sur elle qu'un petit jupon noir et un collet qui ne joignait pas devant. La couturière la pressait de descendre, mais elle s'entêtait et résistait : « Je veux ma lettre ! disait-elle, j'ai une lettre et je ne veux pas m'en aller sans elle ! » Elle la trouva sur une chaise, près du lit, malgré l’obscurité que la fumée commençait à faire dans la chambre, puis elle descendit aussi vite que cela lui fut possible en se cachant la bouche avec sa lettre. La couturière la suivait en retenant sa respiration et fermant à demi les yeux que la fumée piquait et brûlait.

En bas, elles retrouvèrent Francette l’entretenue, l'artiste peintre et l'employée des postes, qui eurent la même respiration bruyante en les apercevant.

La foule s'amassait avec rapidité, on ne savait