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Au Feu 21

fenêtres et les portes se mirent à battre. On entendit des cris de femmes et des jurons d'hommes, et bientôt l'escalier trembla sous une dégringolade précipitée et continue.

Lia voix qui avait 'toussé le premier cri était maintenant éclatante comme un instrument de cuivre ; elle entrait par les portes, sortait par les fenêtres, et s'en allait dans la nuit porter à travers les vitres des maisons voisines, son cri d’alarme : « Au feu ! Au feu ! »

Les cinq locataires du sixième étage furent les derniers à ouvrir leur porte. Ils n'eurent pas besoin de s'interroger : la fenêtre du palier leur montra tout de suite que c'était la scierie du fond de la cour qui brûlait. D'énormes piles de planches s'allumaient de' tous côtés, et le vent poussait les flammes et les faisait buter contre la maison. Il fallait descendre au plus vite, car les fenêtres de l'escalier laissaient déjà entrer une grande chaleur et beaucoup de fumée.

L'artiste peintre n'en finissait pas de mettre la deuxième manche de sa veste ; son bras glissait sans cesse le long de la doublure sans rencontrer l'ouverture. Il se tourna vers sa voisine, l'employée des postes, et il dit d'un ton de connaisseur : « Ça flambe admirablement ! » L'employée des postes ne l'écoutait pas ; elle rentrait et sortait, pieds nus, en chemise de nuit, et elle répétait : « Je ne peux pourtant pas descendre sans être habillée correctement ».