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un regret de ne pas être leur bru : je sentais combien leur affection m’eût été douce. Je n’avais pas connu mes parents et j’avais toujours vécu parmi des étrangers.

À chaque instant, je surprenais leurs regards fixés sur moi.

En arrivant à Paris, je les aidai à descendre leurs paniers et je les guidai vers la sortie. Je m’éloignai un peu en voyant arriver un grand garçon qui se jeta sur eux en les entourant de ses bras. Il les embrassait l’un après l’autre sans se lasser ; eux recevaient ses caresses en souriant ; ils n’entendaient pas les avertissements des employés qui les heurtaient avec leurs wagonnets.

Je les suivis quand ils s’éloignèrent. Le fils avait passé son bras dans l’anse du panier aux canards et, de son autre bras, il entourait la taille de sa mère. Il se penchait sur elle et il riait très fort de ce qu’elle disait.

Il avait, comme son père, des yeux gais et un sourire large.

Dehors, il faisait presque nuit. Je relevai le col de mon manteau et je restai en arrière, à quelques pas d’eux, pendant que leur fils allait chercher une voiture.

L’homme se mit à caresser la tête d’une belle poule tachetée de toutes couleurs, et il dit à sa femme :

— Si on avait su que ce n’était pas notre bru, on lui aurait bien donné la bigarrée.