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s’éloignait lentement. Le fleuve paraissait aussi étroit que l’écluse Saint-Martin et on eût juré que le chaland touchait les deux rives.

Michel s’aperçut tout à coup que le chaland allait disparaître au tournant du fleuve. Il eut regret de ne pas l’avoir suivi, comme il l’avait souvent fait pour d’autres bateaux. Pour le voir plus longtemps, il se rapprocha davantage du bord ; il quitta le chemin de halage pour marcher sur le pré qu’on voyait sous l’eau, mais au premier pas qu’il fit, le pré disparut et ce fut le fleuve qui s’ouvrit jusqu’au fond.

Quelques minutes après, la voix criarde de la tante Maria appelait : « Michel ! Michel ! » Mais personne ne répondit, et comme elle prêtait l’oreille aux bruits du soir, elle entendit au loin un son de clochettes si clair qu’on eût dit qu’elles sonnaient dans l’eau et, malgré l’inquiétude qui la gagnait, elle ne put s’empêcher de dire tout bas : « tine, tine, tigueline, tine, tine… »