Page:Audoux - La Fiancee.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serine en gardait un souci qui l’empêchait d’apporter la moindre attention à son travail. Elle se trompait à tout moment, et donnait aux ouvrières des objets que celles-ci ne lui avaient pas demandés. Deux fois de suite elle laissa échapper de ses doigts des diamants qu’elle eut beaucoup de peine à retrouver. Pourtant elle ne fut pas grondée. Elle fut même surprise du ton de commisération qu’on employait avec elle après chaque étourderie. Bientôt il lui parut que les regards des diamantaires avaient quelque chose de changé en s’arrêtant sur elle. En même temps elle s’aperçut que tous avaient des choses secrètes à se dire. Ils se rapprochaient pour causer tout bas, et, dans ces moments-là, si leurs yeux venaient à rencontrer ceux de Valserine, ils les détournaient comme s’ils étaient gênés d’être vus par elle.

Une phrase surprise au passage l’avertit soudain que c’était de son père que l’on parlait. Une ouvrière peu éloignée avait dit : « C’est sa blessure à la tête. » Elle resta aux écoutes. Et peu après, dans l’instant où les courroies glissaient en silence, comme cela ar-