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la pelouse où reposait l’ancien. D’après la volonté du défunt, l’herbe seule devait pousser sur sa tombe. Mais depuis tantôt deux ans, les chênes voisins, comme pour tenir compagnie au beau cœur qui se mourait au fond, avaient semé beaucoup de glands sur la pelouse où, bien cachés dans l’herbe haute, ils avaient pris racine et formaient déjà un petit bois qui ne demandait qu’à s’étendre et grandir. Le jardinier, en bougonnant un peu, arrachait les jeunes tiges et les jetait dans l’allée proche :

— Ces petits glands-là, ça pousse comme du chiendent, disait-il. Nestin et Nestine, sûrs enfin d’avoir des chênes, en choisirent deux qu’ils emportèrent sans rien laisser paraître de leur joie. Tout de suite ils les plantèrent au bord de l’eau, très près l’un de l’autre, comme pour en faire des jumeaux et les lièrent au même tuteur avec un gros tortillon de paille sèche.

Ils poussèrent avec une rapidité surprenante et furent très vite aussi hauts que l’avaient été les bouleaux. Puis, pendant l’hiver, la rivière débordante les ayant mouillés