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parle de Paris qu’elle commence à regretter. Paris, où les heures, pour elle, passaient avec une telle rapidité, qu’elle n’arrivait jamais à terminer sa tâche et qu’il lui fallait souvent prendre ses repas debout pour ne pas perdre quelques précieuses minutes. Elle soupire et n’ose avouer à Nestin son regret. Cependant l’ennui qui la gagne menace sa belle santé, ses joues pleines s’affaissent aux mâchoires, et son visage si coloré prend une teinte cireuse autour des yeux et du nez. Elle pleure dès qu’elle est seule et s’inquiète d’une douleur sournoise qui lui alourdit la nuque. Pourtant elle se sent forte encore, et elle regarde Nestin à la dérobée. Lui aussi reste fort malgré les douleurs de reins dont il se plaint constamment. Pendant leurs silences, Nestine ressasse les craintes qui l’attristent en secret. Si l’ennui qui les empêche même de parler allait les rendre comme ces vieux aux yeux ternes et à la lèvre pendante qu’elle avait vus dans des maisons de retraite pour vieillards ?… Si leurs membres n’ayant que peu de mouvements allaient se raidir et les rendre impotents, ainsi que l’avait été sa propre