Page:Audoux - La Fiancee.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Celui-là a toujours faim, dit-elle, et quand il a mangé sa part il mangerait encore celle des autres.

Peu rassasiée elle-même, elle poursuivait ses lamentations. Elle disait ses craintes de mourir de froid et de faim avec les trois petits, lorsque l’hiver viendrait supprimer les pèlerinages qui les faisaient vivre. Et personne, personne pour leur venir en aide.

Si encore elle n’avait pas Tati qui ne voulait rien manger et ne deviendrait jamais robuste comme ses frères !…

Le père Sylvain ne semblait pas l’entendre Il suivait des yeux Tati qui s’éloignait en sautillant et gazouillant et il prêtait l’oreille à sa voix harmonieuse qui s’effaçait peu à peu.

La femme, tout en parlant, prêtait aussi l’oreille à la petite voix déclinante, mais son regard ne quittait guère le père Sylvain. Soudain, elle se plaça devant lui, et ce fut comme si elle demandait la charité, quand elle dit :

— Les garçons savent déjà mendier, mais la petite ne sert qu’à m’embarrasser.

Tous deux, alors, face à face, se regardèrent profondément, comme si leurs yeux