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qui étaient si jolies, qu’il avait toujours envie d’en emporter une sous son tablier, puis quand le père avait fini sa journée, ils rentraient tous deux dans la chambre du sixième, d’où l’on voyait encore le canal ; ils dînaient sur une petite table près de la fenêtre ; lui, racontait ce qu’il avait fait à l’école et le père l’encourageait.

Il n’y avait pas bien longtemps qu’il ne réclamait plus d’histoire avant de se coucher. C’étaient toujours des histoires de mariniers que son père lui contait. Il y en avait surtout une qu’il aimait beaucoup et qui commençait comme ça : « Il y avait une fois un marinier qui avait un chaland si joli, si joli, que toutes les dames et les demoiselles venaient à l’écluse pour le voir passer ! »

Il la regrettait cette écluse Saint-Martin ; il la revoyait avec sa passerelle où les gens passaient à la queue leu leu ; il revoyait aussi le grand bassin où les grands chalands avaient l’air de s’ennuyer comme s’ils étaient en pénitence, et les maisons qui se miraient tout entières dans le canal et qu’on voyait tout à l’envers.