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comme pour le retenir au passage. Il évita les rochers tout tapissés de mousse qui se creusaient en forme de sièges. Et quand il eut coupé à un vieux saule sa plus belle branche, il fit retour par le même chemin en cognant ses souliers pleins de terre contre les rochers, et en s’aidant des broussailles qu’il avait si fort malmenées auparavant. Et dès qu’il fut en haut, il souleva son chapeau comme pour un adieu, et s’en alla rejoindre son troupeau qui l’attendait patiemment sur la route.

Dans ce bruit de chants et de clochettes Valserine suivait le pas allongé de Bernard sans en ressentir la moindre fatigue. Une joie qu’elle n’avait pas prévue se levait en elle ; il lui semblait qu’elle était devenue tout à coup responsable d’elle-même et qu’aucune volonté ne viendrait désormais contrecarrer la sienne. Elle avait envie de chanter comme les pâtres et de descendre au fond du ravin comme le fort garçon.

Elle avait envie de s’asseoir dans tous les creux de rochers, et de courir d’un caillou à l’autre avec le ruisseau d’en bas. Et lors-