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— Aies-en soin autant que du jardin, car je suis sûre que ces deux enfants-là y demeureront ensemble un jour…

Comme pour fêter le départ de Valserine tout était clair dans la vallée ce matin-là. Des fils de la Vierge, tout brillants de rosée, se balançaient d’un arbre à l’autre et semblaient des écharpes de tulle disposées exprès pour elle le long du chemin.

Le soleil, qui ne pouvait donner toute sa chaleur, donnait cependant toute sa lumière.

Et pour que rien ne vînt assombrir cette lumière, un vent frais déchirait en tout petits morceaux les nuages qui voulaient se reposer sur la montagne.

C’était l’époque où les troupeaux de génisses descendent par bandes des hauts plateaux, et déjà la montagne était pleine du bruit de leurs clochettes. Des pâtres chantaient, et leurs voix fortes s’élevaient des routes et des sentiers. L’un d’eux, un jeune et solide garçon, quitta son troupeau pour descendre au fond d’un ravin où un large ruisseau chantait aussi. Il écarta violemment les broussailles qui s’accrochaient à son habit