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Dans la maison, rien n’était changé. Valserine y retrouva le lourd silence qu’elle y avait laissé dans sa nuit d’attente.

Et comme dans cette nuit-là il lui vint le désir violent de voir tout à coup entrer son père. Mais, par la porte ouverte, dans le doux soleil d’octobre, seules les feuilles pourchassées par le vent s’engouffrèrent et s’éparpillèrent en bruissant sur les dalles où elles restèrent sans plus bouger, comme si elles avaient enfin trouvé là un lieu de repos.

Ce fut le grand jardin carré qui retint le plus longtemps les trois amis. Appuyés contre la haie basse d’où ils découvraient toute la vallée, ils regardaient au loin l’endroit où le contrebandier s’était fait prendre. On ne voyait pas le bas de la pente où il était tombé. Mais dans la clairière on apercevait un vieil arbre mort, devenu couleur de pierre, et qui, à cette distance, semblait une croix à laquelle il manquait un bras.

Valserine, dont le chagrin renaissait, dit soudain :

— Si je n’avais pas crié, ce jour-là, papa serait encore en vie.