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la mère Marienne en profita pour l’encourager à reprendre son métier, et retourner à Saint-Claude en même temps que Bernard.

— Te voilà presque grande, lui dit-elle, et il te faut absolument gagner ta vie.

Valserine abaissa son visage sans répondre. Elle écoutait le léger claquement des pipes que Bernard prenait dans la corbeille pour les ranger par groupes sur la table. Et brusquement elle demanda :

— Est-ce que les femmes font aussi des pipes ?

— Oui, dit la mère Marienne.

Et ses yeux brillaient étrangement tandis qu’elle ajoutait :

— J’étais polisseuse de pipes avant de me marier.

Et comme si sa jeunesse lui revenait d’un seul coup à la mémoire, elle parla avec une vivacité extraordinaire de Saint-Claude et du quartier de la Poyat où ses parents avaient été pipiers. Elle dit comment les polisseuses de pipes entouraient leurs cheveux d’un mouchoir pour les protéger contre la poussière de racine de bruyère qui les teignait en une cou-