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elle, avec un paquet de linge qu’elle allait laver au bord de la Valserine, comme de coutume. Et lorsque, le soir venu, elle remontait la côte avec son paquet de linge mouillé sur l’épaule, elle se tenait si droite et paraissait si forte, que les douaniers eux-mêmes la saluaient au passage.

Pourtant, la contrebande se trouvait souvent dissimulée au cœur du paquet mouillé, et ta mère ressentait un grand orgueil à la passer ainsi sous le nez des douaniers qui n’avaient d’attention que pour le panier que ton père portait aussi sur l’épaule.

À rappeler ses souvenirs la mère Marienne paraissait elle-même toute fière. Ses yeux, si brillants déjà, brillaient plus encore ; et toute sa personne semblait plus légère et plus vive.

Puis elle raconta la venue au monde de la fillette, trois ans après le mariage de ses parents.

La jeune femme, sur la fin de sa grossesse, avait voulu aller encore une fois laver au ruisseau. Mais ce soir-là le contrebandier n’entendit pas les coups de battoir habituels. Et quand il arriva auprès de sa femme, il la