Page:Audoux - La Fiancee.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le jour où Valserine se décida enfin à suivre la mère Marienne aux champs, sa mémoire s’enrichit de tout le passé de ses parents. Son père ne lui avait jamais parlé de sa mère dont elle n’avait aucun souvenir, et ce fut comme si la mère Marienne ouvrait une porte pour la lui montrer venant à elle.

— Elle était courageuse et belle, lui dit la vieille femme, et ton père n’eut pas besoin de la voir deux fois pour l’aimer.

Et sans que Valserine posât de questions, la mère Marienne, selon l’heure ou l’endroit, disait sans hâte, et presque sans suite, tout ce qu’elle savait du jeune ménage dont la vie avait été tout de suite mêlée à la sienne.

En son temps de jeune fille, la mère de Valserine habitait tout au bas de la côte avec son vieux père qui faisait la contrebande. Elle lavait et repassait le linge des familles aisées de Mijoux ; et par tous les temps on la trouvait au bord de la Valserine où son battoir menait grand bruit.

Ce fut ainsi que le fils du gendarme la vit un matin, alors qu’il accompagnait son père dans sa tournée. Il revint seul le lendemain.