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çon, n’avaient réussi à la détourner de sa peine. Puis les longues journées de grand air et de soleil avaient peu à peu calmé son chagrin ; mais si ses plaintes ne se faisaient plus entendre, on voyait bien que l’oubli n’était pas venu. Au lieu de mener paître sa chèvre ou d’aider la mère Marienne dans les travaux du ménage, elle restait assise sur le seuil, et s’y tenait toute ramassée pendant des heures. Elle ne parlait plus de son père, mais ses yeux tristes suivaient la route qui montait au plateau, et qu’on apercevait, de place en place, de l’autre côté de la vallée. Sans cesse elle revoyait la plaine de Gex avec ses routes et ses villages. Et toujours sa pensée faisait le tour d’un grand bâtiment fait de briques rouges, qu’elle imaginait tout noir au-dedans, et où son père était mort loin d’elle. Et, toujours aussi, lorsqu’elle tournait la tête vers le chemin qui la ramènerait un jour à Saint-Claude, elle apercevait au loin un jeune bouleau, tout seul au bord d’un ravin, et que le vent secouait et courbait, comme s’il eût voulu l’arracher pour le jeter au fond.

La mère Marienne s’inquiétait parfois de