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La dernière semaine de juin fut si encombrée d’ouvrage que la grande Bergeounette offrit de rester chaque soir jusqu’à minuit.

Avec elle les veillées devinrent presque des distractions. Elle chantait ou racontait sans se lasser. Et le patron restait à l’écouter au lieu d’aller se coucher.

Elle se souvenait d’une quantité de refrains baroques qu’elle avait entendu chanter par les marins. Elle imitait leur voix mal assurée au sortir du cabaret, et on croyait les voir regagnant leur bateau en chantant, avec des gestes en l’air et des pas tout culbutés.

Elle parlait de sa mère avec un peu de dédain, mais elle gardait de son père un souvenir plein de compassion moqueuse, et sa voix eut un fléchissement quand elle nous dit :

— C’était un homme sans malice, et qui ne pensait qu’à boire et à chanter.

Elle racontait sur lui toutes sortes d’histoires drôles. Et même, en parlant de sa mort, elle ne put s’empêcher de rire.

Il avait la manie de descendre dans le puits, qui était peu profond et qui tarissait pendant l’été. On ne savait pas comment il faisait pour y descendre mais, dès qu’il était au fond, il poussait des cris aigus pour qu’on vînt l’aider à remonter.

Un jour il s’était noyé parce que le puits s’était empli à la suite d’un grand orage.

Et Bergeounette affirmait :