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repoussa ses cheveux des deux mains comme s’ils étaient trop lourds à ses tempes, et, en secouant la tête, elle dit avec une grande énergie :

— Allons… Travaillons.

Et jusqu’à minuit, on n’entendit plus dans l’atelier que le roulement de la machine à coudre et le claquement léger des aiguilles contre la soie.

Le lendemain, en rentrant de chez une cliente, Mme  Dalignac s’épouvanta de retrouver son mari en train de broder :

— Ôte-toi de là, Baptiste. Ôte-toi de là.

Et comme il ne l’écoutait pas, elle mit la main sur le volant de la machine.

Le patron se défendait :

— Mais laisse-moi finir, voyons, je n’en ai plus que pour quelques minutes.

— Non… Non… Ôte-toi de là.

Et de son autre main, elle fit sauter la courroie.

Le patron maugréa en reculant son tabouret :

— Je ne serais pas mort pour avoir fini cette manche.

Sa femme reprit :

— As-tu déjà oublié ce qu’a dit M. Bon ?

— Non, fit le patron d’un ton bourru, je sais qu’il m’arrivera la même chose qu’à Sandrine.

Le regard de Mme  Dalignac passa par-dessus la tête de Bouledogue pour venir chercher le mien. Le soir, elle parla encore plus bas que la veille :

— Pourvu qu’il vienne un brodeur ?

Et le soupir qui suivit fut long et tremblé.