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travers le mur. Au matin, je l’entendis aller et venir, et tout à coup elle a crié : « Jacques, Jacques ». Elle avait une voix comme quelqu’un qui appelle au secours. Je suis entrée chez elle aussitôt, et je l’ai trouvée en train de vomir sur le parquet. Elle vomissait tout rouge et cela ne s’arrêtait pas. Alors, je pris peur et je voulus appeler aussi. Sandrine m’en empêcha, et me pria d’aller chercher M. Jacques.

Et comme la voisine avait fini de coudre sa pièce, elle piqua son aiguille à son corsage et s’en alla sur la pointe des pieds.

Jacques reprit sa place par terre, et sa tête renversée touchait maintenant celle de Sandrine.

En rentrant à l’atelier, le grand désir d’y retrouver Sandrine me fit regarder à sa place. Mais il n’y avait là qu’un tabouret couché sur le côté, et qui montrait ses barreaux tout brisés. Mme  Dalignac voulut apprendre aux autres ce qu’elle savait ; mais sa gorge se boucha et je fus obligée de parler pour elle.

Je me sentais comme étranglée aussi, et il ne me fut pas facile de tout dire d’un coup. Et lorsque les ouvrières connurent les détails que la voisine avait donnés. Bouledogue dit durement au patron :

— Pâques n’a pas eu de fête pour elle.

Le patron ne parut pas l’entendre. Il se cramponnait des deux mains à sa machine, et un petit filet de salive sortait de sa bouche.

Sur un signe de Mme  Dalignac, je ramassai le