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une à une vers la place de Sandrine et personne n’avait l’air de comprendre le sens de la lettre.

Tout comme les autres je regardais la place vide, mais dans le même instant je revis les yeux mornes et le sourire si las de Sandrine le samedi d’avant, et je compris que, ce soir-là, elle était au bout de sa vie.

Mme  Dalignac devait se souvenir aussi ; car son regard, qui s’était élargi, se rétrécit brusquement et ses mains se mirent à trembler.

Toutes les voix s’élevèrent pour dire les mêmes mots. C’était comme une bousculade de questions où il n’arrivait aucune réponse.

Et tout à coup Bouledogue fit entendre un sourd grondement, puis elle saisit le tabouret de Sandrine et le frappa sur le parquet avec tant de violence que les pieds s’écartèrent et qu’il s’écroula tout disloqué.

On ne sut pas contre qui allait la grande colère qui faisait relever tous les fronts.

Bergeounette semblait prête à se jeter sur quelqu’un, et la petite Duretour répétait, comme un reproche à l’adresse de Sandrine :

— Mais, puisqu’elle avait retrouvé son Jacques…

Mme  Dalignac cessa vite de trembler. Son visage si doux d’ordinaire s’emplit de révolte, comme à l’annonce d’une injustice insupportable. Et pendant que le patron reprenait la lettre pour la lire à son tour, elle mit rapidement son chapeau et me fit signe de l’accompagner.