Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur souplesse, et ses doigts longs et bien tournés maniaient avec adresse les tissus les plus fins. Mais son énervement revenait avec le désordre de la table à ouvrage, et sa voix grondait sourdement, quand on était à la recherche d’une chose égarée.

Bergeounette restait indifférente aux ennuis du travail. Elle continuait à regarder passer le manchot. Et, dès que l’une de nous marquait trop d’impatience, elle chantait sa vieille chanson qui avait un couplet pour toutes les circonstances :

Dans le bon vieux temps,

Les pâtés et les brioches,
Dans le bon vieux temps,

Croissaient au milieu des champs.


En approchant des fêtes de Pâques, les journées redevinrent aussi dures qu’avant la Toussaint. La machine du patron n’avait plus de temps d’arrêt, et le ronflement de la mienne ne faisait pas beaucoup moins de bruit. Et chaque fois que Duretour partait avec une robe terminée, le patron disait, en tapant dans ses mains :

— Courage, mesdames ! Pâques va nous apporter deux jours de fête pour nous reposer.

La veille de Pâques, comme il répétait cela, Bergeounette lui répondit :

— Sandrine aura le temps de courir après son souffle pendant ces deux jours-là.

Tout le monde regarda Sandrine. Elle gardait