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croisait parfois ses deux mains sur sa tête en disant :

— Si grand’mère apprend un jour que je vais à ce bal, elle en mourra de honte.

Cela ne l’empêchait pas de prétexter, le dimanche suivant, une promenade au jardin du Luxembourg où elle n’entrait jamais.

Il arrivait que la grand’mère désirait aussi se promener au jardin, mais comme elle était vite lasse, les jeunes filles l’installaient sur une chaise et s’éloignaient rapidement derrière son dos.

Ces jours-là, il ne fallait pas songer à s’attarder au bal. La cousine y serait bien restée, mais Bouledogue la ramenait sans pitié vers la grand’mère. Et du même ton dont elle nous disait : « Une journée de travail suffit », elle disait à la cousine : « Une danse suffit pour s’en passer l’envie ».


Sandrine avait repris sa place en même temps que nous. Sa poitrine ne faisait plus entendre qu’un léger ronflement, et quand le patron lui criait du bout de l’atelier : « Cela va, Sandrine ? » elle répondait tout de suite : « Oh ! oui, cela va très bien. »

Elle souriait en nous regardant, et ses yeux noirs étaient doux comme du velours neuf. Cependant ses cheveux n’étaient plus aussi brillants, et ses boucles paraissaient moins élastiques, mais jamais elle ne se plaignait.