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aiguille avec des doigts raides et durs comme cela ?

Et elle nous montrait ses mains pleines de durillons et d’ampoules crevassées.

Elle avait la spécialité des petits plis et des fronces dans les tissus légers et son habileté était telle qu’aucune de nous ne pouvait la remplacer.

Lorsqu’après de longues heures de travail, un corsage de mousseline de soie sortait tout plissé de ses mains, on eût dit qu’il venait d’être fait par magie tant il gardait de fraîcheur.

Le patron osait à peine le toucher. Il l’élevait avec précaution dans la lumière et il disait tout content :

— Je crois bien qu’il a poussé tout seul au soleil.

Aussi maintenant lorsque Bouledogue voyait les tissus s’accrocher et s’érailler à ses doigts, elle entrait dans de violentes colères qui finissaient par la faire pleurer.

Mme Dalignac essayait de lui faire prendre patience. Mais Bouledogue était incapable d’avoir de la patience ; elle jurait comme un homme et maudissait le monde entier. De plus, elle ne pouvait pas dire assez combien les femmes de la fabrique s’étaient moquées de ses mains fines, en lui voyant toucher les boîtes de fer-blanc qui lui écorchaient les paumes et lui cassaient les ongles.

À l’écouter, une grande appréhension nous