Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



IV

La fin de décembre ramena la morte-saison et il fallut nous séparer encore une fois.

Bouledogue quitta la première, pour s’embaucher dans une fabrique de conserves alimentaires.

Jusqu’à présent, elle avait employé son temps de chômage à faire de la lingerie fine avec une amie, mais l’amie venait de partir à l’étranger et Bouledogue ne savait à qui s’adresser pour avoir le même travail.

C’était elle qui faisait vivre sa grand’mère avec laquelle elle habitait. Son gain était vite dépensé et les moindres journées perdues condamnaient les deux femmes à toutes les privations.

Elle était après Sandrine la meilleure ouvrière de l’atelier. Il ne fallait pas lui demander une idée nouvelle, ni l’obliger à disposer des garnitures à son goût, mais quand elle avait dit : « J’ai fini de coudre la robe », on pouvait se fier à elle, car jamais elle n’oubliait un point.

Le jour de son départ, elle tourna les yeux vers les planches vides, comme si elle leur gardait une mauvaise rancune, et sa voix eut un large grondement pendant qu’elle disait :