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si j’avais renvoyé les clientes, nous n’aurions plus rien à faire maintenant et je serais forcée de vous renvoyer aussi.

Bouledogue se renfrogna, puis elle reprit :

— Puisque nous travaillons davantage dans les moments pressés, nous méritons de gagner davantage.

Mme  Dalignac remua la tête comme lorsqu’on sait une chose impossible, et Bergeounette se moqua :

— Tu voudrais faire une révolution, peut-être ?

Bouledogue découvrit ses dents, et sa voix roula un peu pour répondre :

— Le travail ne devrait jamais être une peine.

Je savais que Mme  Dalignac était sans défense contre les exigences de ses clientes, et que réclamer le prix de ses façons était pour elle un gros ennui. Mais ce que venait de dire Bouledogue me paraissait si juste que je m’apprêtais à lui donner raison, lorsque Bergeounette me devança :

— Voilà celle-ci qui va prêcher maintenant.

Ce n’était pas la première fois qu’elle me faisait ce reproche, aussi j’en restai confuse et je me contentai de regarder Mme  Dalignac.

Le patron n’aimait pas les discussions. Il détourna les idées en demandant à Bergeounette une chanson de son pays. Et Bergeounette, qui continuait à se moquer, chanta une très vieille chanson dont elle avait souvent fredonné l’air :