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— Il y aura des barques à la côte.

Parfois elle ouvrait la fenêtre et regardait le ciel comme si elle y cherchait les barques en péril. Puis elle fixait longuement les nuages, et souvent, en se rasseyant, elle chantait d’une voix lente et comme lointaine :


D’où viens-tu, beau nuage,
    Apporté par le vent ?
    Viens-tu de cette plage,
    Que je vois en rêvant ?

Notre gaîté s’effaça brusquement au retour de Sandrine. Elle rentrait de chez la cliente avec un visage si bouleversé, que tout le monde pensa qu’un malheur était arrivé à la robe.

Le patron et sa femme n’osaient pas l’interroger. Ils attendaient ce qu’elle allait dire, mais elle passa devant eux sans parler, et au lieu de s’asseoir, elle resta debout près de son tabouret.

Ses épaules étaient comme tassées et ses yeux étaient si élargis qu’ils faisaient mal à voir. Et tout à coup, elle se tourna contre le mur pour y appuyer son front.

Alors le patron n’y tint plus. Il se précipita en lui criant dans les oreilles :

— La robe ? la robe ?

Le regard de Sandrine passa sur lui et sur nous et aussitôt elle parla. Elle parlait avec vivacité ; et ce qu’elle disait était si embrouillé qu’il semblait que personne n’y comprendrait jamais rien. Cependant, quand elle s’arrêta, tout le