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avançait dans un mouvement qui la soulevait si fort que je voyais toute la semelle de ses souliers.

Ma frayeur augmenta quand il nous fallut prendre les allées de traverse. Elles étaient boueuses et noires, et des fleurs pourrissaient sur toutes les tombes. À chaque instant nous faisions lever des merles. Il y en avait de très noirs au vol vif et aux plumes allongées, mais d’autres étaient gris et courts et semblaient des pierres qui auraient eu des ailes. Ils disparaissaient comme ils étaient apparus et rien ne venait dénoncer leurs retraites.

Je m’assis sur une dalle de granit, tandis que Mme  Dalignac se couchait à moitié sur la pierre bombée qui recouvrait son mari.

Elle resta sans mouvement, la joue appuyée sur son bras comme sur un oreiller, et sans l’expression d’intolérable souffrance qui la rendait méconnaissable j’aurais pu croire qu’elle s’était endormie.

Dans ce coin de cimetière où un grand carré de terre restait en friche, les moindres bruits me causaient de longs tressaillements. Les fourrés s’agitaient, et des glissements traçaient des sillons dans les herbes couchées.

Du côté des tombes les choses paraissaient vivre aussi. Une pierre brisée et dressée semblait une tête décharnée implorant on ne savait quel secours d’en haut. Un arbre complètement dépouillé de ses feuilles tendait vers nous ses branches raides et noires, et dans l’allée proche un