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main, elle obligeait Mme  de Machin-Chose et les autres à payer leurs notes arriérées. Elle savait ce qu’il fallait leur dire pour cela, et la somme rentrée ainsi grossissait de jour en jour.

Mme  Doublé reconnaissait que cet argent ne lui appartenait pas, mais elle en remettait le règlement à plus tard ; pour l’instant il lui servait à dédommager le propriétaire et à faire à Clément les avances nécessaires à sa boutique de tapissier.

Clément ne lui savait aucun gré de ces avances. Il les recevait comme son dû, et refusait de lui en donner reçu sous prétexte qu’elle n’avait pas encore sorti un sou de sa poche, et qu’il était tout aussi capable qu’elle de faire payer les anciennes clientes de sa tante.

Mme  Doublé en convenait avec lui, mais elle se froissait de son insolence et se vengeait sur Mme  Dalignac en lui reprochant sa négligence passée. Elle alla même jusqu’à prétendre que le patron avait manqué de soins faute de cet argent. Et pour la dixième fois peut-être, elle répéta sur le ton élevé, qui lui était habituel :

— Ah ! pôvre frère, c’est une femme comme moi qu’il lui aurait fallu.

Je crus qu’elle allait sortir violemment comme les autres fois, mais ce fut de mon côté qu’elle se lança pour me dire :

— Je n’aime pas à être regardée de cette façon-là.

Je baissai les yeux, car je sentais bien que je ne pourrais jamais la regarder d’une autre façon.