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Pour moi, c’était surtout le changement de Gabielle qui me surprenait. Elle paraissait si heureuse auprès de son mari que j’osai lui demander en confidence :

— Vous aimez Jacques maintenant ?

— Oui, je l’aime, répondit-elle vivement.

Et tout de suite elle ajouta avec orgueil :

— Lui aussi m’aime.

Bouledogue ne faisait que passer dans le jardin. Elle nous confiait d’un coup d’œil sa grand’mère, et gagnait au plus vite l’avenue de l’Observatoire.

Puis c’était Clément qui nous rejoignait.

Je le voyais venir de loin. Le haut de son corps gardait beaucoup d’aisance, mais il avait je ne savais quoi qui l’alourdissait par en bas. Et toujours il me faisait penser à un arbre qui se serait déplacé sans jamais sortir de terre une seule de ses racines.

Il s’asseyait auprès de nous, mais s’il prenait beaucoup de place sur le banc, ses remarques sur les passants n’étaient jamais méchantes ni ennuyeuses.

L’automne était doux. Les moineaux gorgés de graines délaissaient le pain qu’on leur offrait, et les pigeons, isolés, ou par groupes dans les arbres, semblaient de gros fruits mûrs tout prêts à se détacher des branches.

Autour de nous, les feuilles tombaient une à une, sans hâte ni bruit.


À l’heure du dîner j’accompagnais Mme  Dalignac