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Elles étaient là, avec leurs caractères différents, méchantes ou bonnes, tristes ou gaies, sottes ou intelligentes, mais toutes courageuses et appliquées au travail.

Il y avait la belle Vitaline qui faisait penser à un diamant bien taillé. Ses cheveux et ses yeux brillaient, ses dents brillaient. Son teint brillait et quand elle remuait, elle semblait jeter de la lumière sur ses compagnes.

Il y avait Julia qui allait figurer le soir dans les théâtres pour gagner de quoi acheter des souliers vernis et des gants de peau. Les souliers qu’elle portait trop courts lui meurtrissaient les pieds, les gants qu’elle portait trop étroits lui déformaient les mains, mais pour rien au monde elle n’eût changé la pointure de ces deux objets.

Il y avait aussi Fernande qui déjeunait de trois morceaux de sucre dans un verre d’alcool, parce qu’elle perdait aux courses, chaque dimanche, le peu d’argent qu’elle gagnait pendant la semaine.

Il y avait encore Mimi l’orpheline qui n’avait pas seize ans et qui élevait sa petite sœur.

Et dans le coin le plus reculé, à l’endroit où le jour pénétrait le moins, il y avait la mendiante. Elle était aussi terne que Vitaline était brillante et elle avait une façon de regarder qui était comme une main tendue. Son ton pleurnichard la faisait souvent rabrouer par les autres. Et Bergeounette qui la détestait l’accusait de tendre une main derrière et l’autre devant.

Un jour qu’elle s’attardait à l’heure de midi, je