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grandes quantités de bois flambaient et que le vent poussait les flammes de notre côté, les pompiers commencèrent d’inonder du haut en bas la façade de notre maison.

— Couvrez les tissus, disait Mme  Dalignac.

Et elle-même entassait les pièces d’étoffe, tandis que Bergeounette m’aidait à ramasser l’ouvrage que des ouvrières peureuses avaient abandonné. Pendant ce temps, Gabielle, les manches relevées très haut et sa jupe enroulée autour des hanches, épongeait l’eau qui entrait malgré les fenêtres fermées. Et chaque fois qu’elle voyait du bois enflammé sauter en l’air en lançant une pluie d’étincelles, elle riait fort et disait :

— Bien joué, monsieur le feu.

Mme  Doublé avait renvoyé en hâte ses ouvrières.

Son appartement donnait sur la cour et ne recevait même pas le jet des pompes. Mais elle avait peur, une peur qui la rendait stupide et humble, et lui avait fait chercher asile auprès de nous. Elle restait près de la porte sans oser sortir ni rentrer, et son air terrifié la changeait tellement que Duretour la houspillait, et que Bergeounette me dit :

— Elle ne serait même pas capable de rendre une gifle.

Chaque fois que les flammes s’élevaient davantage ou que la fumée augmentait, Mme  Doublé retrouvait un peu de voix pour dire :

— Tout va brûler.

D’après elle les maisons voisines allaient prendre feu, la nôtre aussi, et tout le quartier allait flamber.