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En m’accompagnant sur l’avenue, Clément me dit :

— J’avais compté sur elle pour notre installation, mais je vois bien qu’il me faut y renoncer.

Et il me prit le bras aussi familièrement que si nous étions déjà mariés.

Il m’accompagna souvent par la suite. Nos conversations ne différaient guère. Il n’était question que d’une boutique à louer et du travail que nous ferions. Il disait :

— Parmi les clients de mon patron, je choisis ceux qui deviendront les miens.

Et il s’arrêtait pour écrire un nom sur son calepin. Sur une autre feuille de son calepin, il notait tous les objets qu’il comptait demander à sa tante pour monter notre ménage. J’en étais choquée :

— Mais elle a besoin de ces choses.

— Moi aussi…, me répondait-il.

Puis il m’indiqua les objets que j’aurais à demander moi-même.

Je refusai. Il s’étonna de ma résistance et me dit presque fâché :

— Je vous croyais plus intelligente.

La rencontre du nègre devint un autre motif de querelle entre nous. Pas plus que Mlle  Herminie il ne pouvait supporter la vue du pauvre garçon, qui évitait cependant de sourire lorsque Clément marchait auprès de moi. Mais un soir qu’il me crut seule, sa bouche s’ouvrit large et fraîche et son regard s’arrêta un instant sur le mien.

Clément, qui n’était qu’à quelques pas, eut un