Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et les rires des premiers jours avaient cessé. Le soir à la sortie, on ne prenait plus le temps de bavarder sous la porte cochère. Bouledogue filait vite dans la clarté des becs de gaz. Bergeounette, qui se pressait aussi, ne prenait pas toujours la direction de sa demeure, et Duretour, serrée contre son fiancé, l’entraînait rapidement vers la rue de la Gaîté.

Sandrine habitait une rue voisine de la mienne et nous remontions une partie de l’avenue du Maine ensemble. Une fois, elle m’avait quittée pour courir à la rencontre de son Jacques qui venait au-devant d’elle.

J’avais souvent entendu parler du Jacques à Sandrine, ainsi que le nommait Bergeounette. Mais lorsque je le vis il me fit penser à une chose inachevée. Il était beaucoup plus grand que Sandrine. Cependant quand elle lui prit le bras pour l’appuyer sur le sien, il me sembla qu’elle n’aurait eu aucune peine à le porter comme un petit enfant.

Jacques et Sandrine n’étaient pas des fiancés, comme la petite Duretour et son mécanicien. Ils étaient des amoureux qui s’étaient toujours aimés.

La mère de Sandrine les avait nourris ensemble et longtemps ils s’étaient crus frère et sœur. Puis les parents de Jacques avaient repris leur fils, pour le mettre au collège. Mais chaque année ils le renvoyaient passer ses vacances dans le petit village. Aussi, lorsque à vingt ans Sandrine était venue chercher du travail à Paris, elle était déjà mère d’une petite fille.