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changeait aussi. Elle se mettait en colère pour un rien. De petites colères ridicules où sa voix sans force ne parlait que de tuer.

Jusqu’à un pauvre chat efflanqué qui longeait timidement la gouttière pour venir mendier à notre fenêtre, et qui lui faisait dire :

— Oh ! ce chat, je le tuerai trois fois.

Son dos se courbait encore et elle perdait conscience d’elle-même pendant des jours entiers. Ces jours-là, elle restait au lit sans colères ni soucis ; mais dès que la raison lui revenait elle s’éloignait de son lit dans la crainte de la mort :

— Pourquoi mourir ? disait-elle.

Et à l’entendre, on eût pu croire qu’il était facile d’éviter ce malheur.

Elle ne parlait plus de son passé. Une fois seulement, dans un moment de détresse, elle avait fait allusion à notre voyage, en disant :

— J’ai tout détruit, et je ne sais plus où me reposer.

Elle, si curieuse autrefois, ne s’intéressait plus à rien. Dehors elle marchait la tête baissée, et dans la maison elle somnolait appuyée au dossier de sa chaise, ou enfoncée dans son vieux fauteuil. Mon futur mariage même la laissait indifférente, et c’est à peine si elle regardait Clément. Seul un jeune nègre, qui suivait en sens inverse le même chemin que nous, la faisait sortir de sa torpeur. Mlle  Herminie n’aimait pas les nègres et à chaque rencontre elle faisait des remarques désobligeantes sur celui-ci. Pourtant la face noire du jeune