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C’était peut-être la première fois que Bouledogue oubliait l’heure. Elle se leva vivement et défit son tablier avant d’avoir rangé son ouvrage. Les autres aussi se levèrent en hâte. Elles passèrent la porte sans bruit. Mais à peine sorties, on les entendit dégringoler l’escalier comme si elles fuyaient un danger.

Je les retrouvai en bas, groupées comme le matin devant la porte cochère ; mais leurs visages étaient bien différents. Les jolis yeux de la petite Duretour montraient une vraie colère :

— Elle nous a gâté notre belle journée, disait-elle.

Sandrine affirma en se rapprochant de moi :

— Elle est très dure pour ses ouvrières.

Elle se rapprocha encore en baissant la voix.

— Vous la verrez revenir quand les robes de mariage seront faites. À chaque saison, elle vient prendre nos plus jolis modèles, et elle se vante de les faire payer très cher à ses clientes.

La grande Bergeounette fit entendre un rire drôle, et dit tout en l’air, sans souci d’être écoutée :

— Elle n’a pas sa pareille pour savoir amener l’argent dans son coffre.

Bouledogue grogna en montrant ses dents :

— Je ne travaillerais pas chez elle, même si j’avais grand faim.

L’arrivée du fiancé de Duretour nous obligea de nous séparer et chacune s’en alla en emportant sa rancune.