Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je cessai de parler devant l’air étonné de Mlle  Herminie et je n’osai pas lui dire que c’était sa propre tristesse qu’elle répandait sur les choses. Elle venait d’en faire une si grande provision qu’elle ne pouvait plus la porter et qu’il lui fallait bien en laisser échapper une partie. L’endroit la lui rendait plus amère encore. C’était à cette même place qu’après plusieurs années le hasard l’avait remise en présence de l’homme qu’elle aimait. Aussi, dans la chanson du feuillage et de l’eau, sa voix me parut aigre pendant qu’elle disait :

— C’était au printemps, je me promenais avec ma sœur qui portait avec orgueil son bel enfant dans ses bras. Lui, s’arrêta net en nous voyant, et la femme qui l’accompagnait en fit autant. Celle-là portait aussi un bel enfant dans ses bras, et elle me dévisageait sans rien dire. Alors, je me mis à parler, je ne savais pas bien ce que je disais, mais je parlais pour ne plus entendre le silence.

Mlle  Herminie se tut un moment. Puis, tout son visage se plissa de souffrance et ses vieilles mains remontèrent d’un seul coup à ses oreilles quand elle reprit sourdement :

— Oh ! ce silence, il devint si terrible que je pris peur et que je m’enfuis vers la maison en courant de toutes mes forces.


À présent nous y arrivions à tout petits pas, à cette maison. Elle était un peu en retrait de la