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qu’elle y apportât la moindre attention. Elle aurait laissé passer de même celle de son pays si je ne l’avais avertie que le train entrait en gare. Alors, elle fut la première à la portière, l’ouvrit d’une main sûre et sauta sur le quai, frrrout ! comme une hirondelle, ainsi qu’elle avait sauté de la charrette à vendanges dans sa jeunesse. Seulement, si sa robe noire ne s’accrocha pas au marchepied, elle se retroussa fortement à l’ourlet, et laissa voir toute la broderie de son jupon blanc.

Pendant tout le jour ce fut l’émerveillement.

Selon Mlle Herminie, rien n’était comparable à la rivière qui coupait la ville en deux, ni à la rue principale qui descendait rapide comme un torrent, et dont les pavés raboteux nous empêchaient de poser les pieds d’aplomb.

Jusqu’au soir ce ne fut que promenades à travers les rues et causeries avec de vieilles gens reconnues au passage. Cependant au moment de se mettre au lit elle croisa les mains comme pour une prière et dit :

— Où est celui qui m’a tant fait pleurer ?


Le lendemain ce fut aux vignes qu’elle me conduisit. Presque toutes étaient chétives, et plusieurs d’entre elles avaient l’air bien malades. Mlle Herminie ne les reconnaissait pas. À cette époque de l’année où les ceps auraient dû disparaître sous le feuillage et les grappes, on n’apercevait que bois noir et feuillage brûlé.