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un instant il sembla prêter l’oreille à un bruit familier, et il dit, comme déçu :

— Ah ! oui, la journée est finie.

Et aussitôt sa respiration diminua.


Il mourut sans agonie, presque debout, et son dernier soupir, long, rude et saccadé, me fit penser au bruit de sa machine à broder.


Comme pour les veillées de couture, deux lampes furent allumées pour la veillée de mort.

Mme  Doublé emplissait l’atelier de cris et de lamentations et Mme  Dalignac, qui rôdait silencieuse et sans larmes, heurtait la table de coupe chaque fois qu’elle la trouvait sur son passage.

À chacun de ces heurts une chose tombait de la table. Les craies savonneuses partirent les premières, et le mètre en toile cirée les suivit en sifflant et se tortillant comme une mauvaise bête qu’on éveille. Puis, une pièce de soie à moitié déroulée tomba à son tour, et il nous fallut bien la ramasser pour ne pas la voir se gonfler et glisser en bruissant jusqu’à nos pieds.

Les grands ciseaux eux-mêmes finirent par sauter de la table. Ils se fichèrent à cheval sur une lame du parquet et restèrent d’aplomb et inquiétants comme une barrière close.

La chaleur de minuit n’était pas moins lourde que celle de midi. Pas un souffle d’air ne venait d’en haut. Les étoiles brillaient à peine dans le ciel noir, et sur l’avenue les marronniers étaient