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Dans la faible clarté qui venait du dehors, je voyais les doigts d’Églantine jouer avec une mèche de cheveux échappée au peigne de Mme  Dalignac. Elle l’allongeait doucement, et, lorsqu’elle la laissait aller, la mèche remontait d’un seul coup en s’enroulant.

— Ce que tu n’as jamais su, reprit tout à coup Églantine, c’est le tracas que nous nous sommes donné ce soir-là pour savoir ton âge. Rose ajoutait je ne sais combien de dizaines à ses quinze ans, et moi je faisais des calculs dont je ne sortais pas.

Elle rit tout bas en reprenant :

— À la fin nous avons pensé à ton image de première communion qui était accrochée au mur de notre chambre. Nous n’osions pas décrocher le cadre, dans la crainte d’être surprises par toi, et nous sommes montées toutes deux sur la même chaise avec la lampe. On ne distinguait plus l’écriture, elle s’était comme fondue dans le parchemin et il ne restait que le nom du mois de mai imprimé en grosses lettres noires. Rose passa même un linge mouillé sur le verre du cadre, mais la date de ta naissance n’apparut pas davantage.

Les rires d’Églantine et de Mme  Dalignac se joignirent encore, mais quoiqu’ils fussent presque silencieux, je les reconnaissais comme je reconnaissais leurs mains unies malgré l’obscurité. Et tandis qu’elles échangeaient des caresses et des mots affectueux, je pensais à l’image de première communion qui se trouvait à présent dans la