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à Mme Dalignac que son mari était en danger.

Tout le lui indiquait cependant, l’air soucieux et comme en colère de M. Bon, l’égarement des yeux du patron ainsi que le rouge de son visage autrefois si pâle. Mais tout cela ne semblait exister que pour nous. Lorsque Mme Dalignac touchait le front moite et les mains chaudes du malade, elle ne pensait pas à la fièvre et n’en accusait que la chaleur de juillet. Elle en arrivait même à me faire partager sa confiance malgré les avertissements d’Églantine.

L’exemple de Sandrine semblait lui donner raison. « Elle aurait pu guérir avec du repos et des soins », avait dit M. Bon. Le repos et les soins n’avaient pas manqué au patron, sa femme n’avait marchandé ni sa peine ni son courage pour les lui assurer, et maintenant que la machine à broder était reléguée dans un coin et les clientes difficiles éloignées pour toujours. Mme Dalignac croyait fermement que rien ne pouvait menacer la vie de son mari. Et à l’inverse d’Églantine, elle gardait sa douce gaîté et faisait entendre son joli rire.

On était en pleine morte-saison. Les modèles à créer et les courses au magasin occupaient toutes les heures de Mme Dalignac, mais il m’était facile à moi de rester auprès du patron pour prévenir ses moindres désirs. Les autres ne me laissaient pas dans l’embarras. Bouledogue, qui savait faire le ménage vite et bien, se chargeait de mettre de l’ordre et de la propreté dans la chambre,