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que Gabielle, et toutes trois remontèrent lentement.

Les yeux vifs de Bergeounette s’écarquillaient, et son visage brun avait pris une teinte terreuse :

— Jamais je n’ai eu si peur, avoua-t-elle.

Et comme elle ne perdait jamais l’occasion de se moquer d’elle-même autant que des autres, elle exagéra sa faiblesse avec des mots et des grimaces qui ramenèrent bruyamment la gaîté.

Gabielle riait. Elle n’avait pas voulu s’étendre sur la chaise longue du patron, et elle refusait le cordial que Mme  Dalignac lui offrait. Elle riait sans bruit et son rire avait quelque chose de surnaturel. La pâleur de son visage avait aussi quelque chose de surnaturel, et n’était pas plus agréable à voir que son rire, mais toute la dureté de ses traits était partie et son regard redevenait doux et confiant. Elle reprit sa machine et il ne fut plus question d’accouchement ce jour-là.

Il n’en fut pas davantage question le lendemain ni les jours suivants. Et si Gabielle se pliait encore en deux de temps à autre, elle ne se plaignait pas, et sa machine ne faisait pas moins de bruit que celle des autres.

Huit jours étaient déjà passés lorsque M. Bon vint faire sa visite au patron. Parce qu’il s’était intéressé à Gabielle, le patron lui raconta sa chute comme une histoire drôle, mais M. Bon ne trouva pas l’histoire si drôle et il avança un peu la tête dans l’atelier pour regarder Gabielle. À peine l’eut-il regardée que ce fut comme un nou-