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montée sur un tabouret, garnissait les planches d’un papier gris que le patron lui passait, après en avoir coupé les bandes de la grandeur nécessaire.

Quand le patron ne donnait pas les papiers assez vite, Duretour en profitait pour tourner et danser sur son tabouret ; puis elle ouvrait et refermait les bras en criant comme une marchande à la foire :

— Robes et manteaux, robes et manteaux.

Cela nous faisait rire et le patron disait d’un air indulgent :

— S’il n’y avait que vous pour les faire, ma pauvre Duretour.

Les maçons d’en face sifflaient comme des oiseaux libres. Ils avaient fini par découvrir l’atelier et ils faisaient tout leur possible pour attirer notre attention. L’un d’eux appelait tous les noms de jeunes filles qui lui venaient à l’idée, pendant qu’un autre frappait une charpente en fer avec un lourd marteau. Et chaque fois qu’un rire éclatait ou que l’une de nous se montrait un peu à la fenêtre, les appels redoublaient, et la charpente sonnait comme une cloche.

Vers le soir, la sœur du patron entra dans l’atelier. C’était une femme à l’air hardi. Elle était couturière aussi et on l’appelait Mme  Doublé.

Elle s’assit sur le tabouret du patron et elle dit d’un ton méprisant :

— Tout le monde travaille déjà ?

Son frère répondit, l’air vexé :