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lorsqu’il rencontrait un banc de pierre placé en plein soleil, il s’y asseyait largement et le touchait aussi des mains comme pour en prendre toute la tiédeur.

La pépinière et le bois avaient bien changé depuis la Noël. Les pigeons tout habillés de neuf s’y promenaient maintenant deux par deux, et les moineaux tout occupés de leur nid oubliaient de se disputer pour voler vers tous les brins de duvet qui passaient dans l’air.

Gabielle qui ne pouvait plus faire sa journée complète venait parfois nous rejoindre. Elle tournait le dos aux passants et se tenait raide sur le banc, comme si elle voulait dissimuler sa grossesse aux merles qui couraient tout inquiets à travers la pelouse.

Jacques aussi venait nous rejoindre. À l’encontre de Gabielle, il se tenait sur le banc comme un bossu, et n’essayait même pas de réprimer le tremblement nerveux qui lui écartait brusquement les coudes du corps et le secouait profondément.

À droite et à gauche de nous, des jeunes mères, au visage paisible, surveillaient d’un coup d’œil leurs bambins déjà grands ou balançaient d’une main la petite voiture qui servait de berceau à leur nouveau-né.

Jacques évitait de regarder les enfants et les mères, et Gabielle, les épaules droites et les yeux fermés, pleurait et se lamentait tout bas.


Il m’avait fallu moins d’une semaine, à moi,