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Avec le beau temps l’envie du balcon d’en face le reprenait. Il bougonnait contre ceux qui avaient la chance de le posséder et qui n’en jouissaient pas. En effet, jamais personne n’y venait à ce balcon, ainsi que l’avait prédit Bouledogue. Il ne servait qu’à battre des tapis, et déjà de larges taches grises apparaissaient sur ses barreaux tournés et sur la blancheur de ses pierres.

Pour décider le patron à sortir, Mme  Dalignac prit le parti de m’envoyer chaque jour au Luxembourg avec lui. Il était de mauvaise humeur tout le long du chemin, et nous n’étions pas encore arrivés au jardin qu’il me rappelait déjà l’heure du retour. Il ne croyait pas à sa guérison et il me blâmait d’obéir à sa femme. Aussi, après avoir placé sa chaise tout près de la sortie, il affectait d’oublier ma présence, et dépliait vite son journal qu’il mettait entre nous deux. Cependant il ne le lisait guère, il regardait surtout les belles promeneuses, et quand l’une d’elles offrait quelque ressemblance avec Mme  Dalignac il redevenait aimable avec moi en attirant mon attention :

— Dites, petite Marie-Claire, regardez un peu celle-ci. Elle lui ressemble, hein ! Mais tout de même, elle n’est pas aussi bien faite.

C’était vrai, presque toujours, car il était difficile d’être aussi bien faite que Mme  Dalignac.

Après une semaine de grognements et de révoltes, il prit goût au jardin.

La terrasse toute brûlante de chaleur l’attirait plus que l’ombre et la fraîcheur des arbres, et