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laissa seulement voir un étonnement excessif. Mais à partir de ce jour-là, elle regarda souvent Jacques et refusa son bras pour marcher dans la rue.


Le mois de juin arrivait avec ses fleurs et sa chaleur. Les marronniers de l’avenue haussaient leurs branches jusqu’à l’atelier et du matin au soir le soleil entrait par les fenêtres ouvertes. Malgré cela, les forces du patron déclinaient et sa maigreur augmentait.

« Il lui manque l’air des Pyrénées », disait à chaque visite M. Bon. Mme  Dalignac pensait de même. Mais rien, ni personne, ne pouvait décider le malade à quitter Paris. Couché de travers sur sa chaise longue, attentif à tous les mouvements de sa femme, il restait à la regarder sans jamais se lasser.

— Au moins, supplia M. Bon, ne restez pas dans cette poussière de tissus, allez respirer dehors.

Et il indiqua les avenues voisines, et le jardin du Luxembourg où l’on pouvait se promener ou se reposer à l’aise.

— Oui, oui, répondait le patron, je sortirai demain.

Et le lendemain il restait comme la veille à suivre des yeux sa femme qui, sans jamais se lasser non plus, soulevait à pleins bras les lourdes pièces d’étoffes, pour les dérouler sur la table et couper plusieurs vêtements à la fois.