Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je n’en veux pas. Il n’est pas à moi, répétait-elle avec force.

Et elle se répandait en imprécations et menaces si violentes contre l’innocent que le patron s’en offusqua et parla de la faire taire.

Sa femme l’en empêcha :

— Laisse-la dire ! Tout son ressentiment va s’en aller en paroles, et quand son enfant sera là, elle l’aimera.

Dans l’espoir de l’apaiser, Bergeounette essaya de détourner sa pensée en lui parlant de ses parents. Mais ce fut pis encore, car les regrets s’en mêlèrent et vinrent augmenter la colère de Gabielle.

Depuis son aventure du bal, alors qu’elle n’en prévoyait pas les suites, elle avait pensé chaque jour à son retour dans les Ardennes. Que de fois elle s’était vue arrivant chez ses parents, vêtue d’une jolie robe gagnée et cousue de ses mains et comme alors elle avait senti son courage se doubler en pensant à toute la tendresse qui l’attendait dans sa maison. Maintenant, elle savait qu’elle ne retournerait plus au pays. Elle ne gardait même plus l’espoir de revoir un jour ses parents ; car elle était certaine que sa mère la renierait :

— Jusqu’à ce bel amoureux que j’ai refusé ! disait-elle, et qui ramasserait des pierres à pleines mains pour me les jeter.

Et à l’idée de tant de mépris sur elle, Gabielle s’emportait jusqu’à la fureur ou pleurait sans fin.

Un autre tourment vint l’affliger encore.