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rité que les gens du pays l’employaient aux travaux les plus durs. »

Le rire de Gabielle s’échappa encore avec une grande puissance, tandis qu’elle tournait sur ses talons pour montrer la finesse de sa taille.

Elle paraissait si sûre d’elle-même et son corps gardait une forme si parfaite que tout le monde fut bien forcé de croire que M. Bon s’était trompé. Et pendant que les machines se remettaient au travail, Bergeounette chantonna d’un ton ironique la chanson du paradis terrestre :

Dans ce jardin tout plein de fleurs
        Et de douceur,
    Le serpent rencontra la belle,
        Et lui parla.

Des jours passèrent, et comme Gabielle ne se plaignait plus, ses compagnes ne s’occupèrent plus d’elle. Mais il n’en était pas de même du patron, il la suivait des yeux avec insistance, et un soir, au moment où elle sortait, il l’arrêta :

— Eh ! Dites-moi. Votre ceinture ne tardera pas à craquer.

Il ajouta malicieusement avant que Gabielle eût trouvé un seul mot à répondre :

— Cela se voit maintenant.

C’était vrai. La taille de Gabielle était devenue si épaisse qu’elle faisait tirailler sa jupe et obligeait l’étoffe à revenir par devant.

Bergeounette, qui tenait la porte pour sortir aussi, revint vivement sur ses pas. Elle avait son