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avaient l’air de se parler tout bas, tandis qu’une troisième, à moitié cachée par un banc, se penchait sur elles comme pour surprendre leur secret.

Il y en avait dont la pose était si pénible à voir, que nous ne pouvions nous empêcher de les redresser.

Beaucoup étaient solitaires et nous surprenaient au passage comme des êtres mystérieux. Bien dissimulées contre un arbre, elles semblaient s’y appuyer seulement de l’épaule et levaient un pied.

Le jour de l’an était notre dernier jour de fête ; mais le froid devint si dur et le ciel si chargé de nuages que Mlle  Herminie refusa de sortir. Elle ramena de chez elle un vieux fauteuil délabré qu’elle eut bien du mal à mettre d’aplomb. Puis, quand elle se fut enfoncée dedans au point de ne plus pouvoir en sortir sans aide, elle dit d’un ton très net :

— À présent, j’attends mes étrennes.

Ses étrennes !

Le rire qui nous gagna brusquement se prolongea, car, pas plus que moi, elle n’en pouvait attendre de personne.

Pour conjurer la mauvaise chance de l’année nouvelle, j’avais acheté dès le matin un petit bouquet de violettes, que nous avions partagé avec le soin le plus méticuleux. Une violette échappée du bouquet et tombée à terre pendant le partage avait même été le sujet d’une longue discussion. J’avais voulu la joindre à la part de